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    Premier volume d'une trilogie au parfum de romance, de magie et d'aventure guerrière, plongeant le lecteur dans les mythes et légendes d'un monde oublié.

    Ce livre évoque l'épopée de Naèwen, une jeune elfe de sang mêlé élevée dans le monde des hommes. Monde qu'elle devra fuir pour rejoindre le peuple des elfes. Mystères et vérités se dévoileront alors sur sa naissance pour l'entrainer dans le tourbillon magique d'une antique prophétie clamée par le peuple nain. Malgré elle, la jeune elfe deviendra le salut pour la survivance du peuple nains, ennemi juré du royaume elfique et deviendra le maillon réunissant la chaine pour tenter de sauver le Monde du Milieu plongé dans le déclin.

     

     

     

     

     

                                               

    La Prophétie des Runes

     

     


     

     

     

     

    Extrait: Chapitre 17 "La Prophéthie Des Runes" Tome1

     

     

                                                                   Alwarahèl    

     

     

     

    L’automne annonçait sa venue avec ses feuilles chatoyant d’or et de cuivre qui tombaient des arbres de Lehlὸria et recouvrant le sol d’un épais tapis moelleux sur lequel Naèwen aimait se promener pieds nus. En cette après-midi, elle sillonnait avec nonchalance un petit layon dans l’idée de trouver sa jument avec laquelle elle avait décidé de s’échapper pour le reste de la journée. Elle perçut soudain la voix de Saémus derrière un buisson captivant son attention. Il enseignait l’histoire à un groupe de jeunes elfes dont Cybèle qui avait l’air de s’ennuyer à mourir, ce qui la fit sourire et elle se tapi à l’abri des regards afin de les espionner un peu.

    - Setanta était invincible au combat cependant il n’était pas invulnérable, finissant donc par mourir en étant vaincu par des puissances surnaturelles contre lesquelles il ne pouvait lutter…

    Malgré sa discrétion, Saémus avait flairé sa présence et lui lança jovial.

    - Tu peux sortir Naèwen, viens donc te joindre à nous et prends une leçon !

    Gênée d’être ainsi démasquée elle s’avança honteusement

    et pris place un peu à l’écart au pied d’un châtaigner sous les rires pouffés des élèves.

    - Je contais l’histoire tumultueuse de l’un de nos héros, Setanta

    Fit-il à son intention avant de reprendre son cours.

    - Setanta aux cent combats, fut victime de son destin ainsi que de la reine Medb qui usa de magie pour affaiblir ses forces sur le champ de bataille. Il trouva la mort lors du grand carnage de Mag Muirthemni où il reçut une blessure profonde, sentant sa mort proche il s’enchaîna contre un rocher pour mourir au combat face à ses ennemis. C’est finalement la lance de Lugaid qui lui ôta la vie… 

    La voyant peu absorbée par son discours, Saémus s’adressa de nouveau à elle,.                                                

    -Naèwen ! Peux-tu me parler de ce héros que j’évoque ?                                                      

    Elle baillait le cours à peine intégrée et sursauta sous la question de Saemus qui attendait patiemment une réponse et auquel elle répliqua calmement…

    Setanta était le fils du Dieu Lug et d’Eithne, mère de tous les Dieux et symbole de la maternité, son père nourricier était Sualtam, son oncle Fergus lui enseigna l'art de la guerre et Amorgen, poète du roi Conchobar, l’initia à la poésie. Cathba, Aifa et Skatha lui enseignèrent les secrets de la magie.

    - Cela suffit-il, où dois-je vous conter toute son histoire ?

    Saémus réprima un sourire, elle avait toujours le dernier mot et, comme à son habitude, le temps d’un clignement de paupière elle s’était déjà envolée. Elle apparaissait tel un songe et s’évaporait tout aussi vite. Naèwen cherchait la trace deFhlaidh Luan. Elle maîtrisait encore peu le langage des animaux ce qui ne l’aidait pas à s’en faire une amie comme le lui avait conseillé cet elfe de la forêt Noire. Elle concentra toutes ses pensées sur elle et au détour d’un chemin la vit trottiner en mouvant la tête pour faire danser sa longue crinière.

    - Tu es là, belle jument ! Voudrais-tu m’emmener sans compter notre temps, à la découverte de cette forêt et ses enchantements.

    Fhlaidh Luan baissa la tête et gratta le sol de son sabot, elle agrippa sa crinière pour l’enfourcher puis piqua des deux à travers le bosquet de noisetiers, manquant de renverser deux elfes sur leur passage. Elles filèrent un long moment à travers les sentiers, ruisseaux et clairières de Lehlὸria avant que Fhlaidh Luan ne calme sa course à l’abord d’une grande prairie aux hautes herbes et fleurs sauvages qui se mouvaient telles des vagues sous le vent. Pensive, elle scrutait l’horizon où l’on percevait l’orée de ce qui lui semblait être la Forêt Noire et s’engagea en cette direction. Après une longue traversée de l’herbage elle parvint enfin à la lisière de celle-ci, tout à coup inquiétée de s’être aventurée seule aussi loin de Lehlὸria. Elle sauta de sa monture et s’immobilisa devant les arbres sombres et denses formant un rempart devant elle, se tâtant longuement avant de s’y hasarder.

    - Viens Fhlaidh Luan !

    Elle comprenait mieux pourquoi on la nommait la Forêt Noire. À mesure qu’elles s’enfonçaient dans le fourré, la clarté s’atténuait pour laisser place à l’ombre, seuls quelques halos de raies lumineux s’infiltraient par les feuillages que l’automne n’avait encore entraînés dans sa chute, et formaient des damiers irréguliers sur le sol. Les arbres étaient très grands, aux racines enchevêtrées sur lesquelles pointaient les chapeaux rouge et blanc des amanites ainsi que des golmottes énormes qui auraient enchantées l’estomac des halflings. Un silence mystérieux flottait dans l’air, silence parfois rompu par le murmure d’une complainte mélancolique que portait la brise. Cette

    manifestation musicale bercée par les notes d’une lyre l’effrayait sans pour autant lui faire rebrousser chemin.  Si Fhlaidh Luan la suivait sans peur, elle savait qu’elle ne risquait rien pouvant se fier à ses instincts. Au bout de quelques temps de flânerie contemplative dans cette forêt obscure, elle parvint au cœur d’une clairière dont la voûte donnait sur un dôme de feuillage ne laissant entrevoir le ciel. Une multitude d’oiseaux s’envolèrent à son passage, le calme spectral qui l’avait accompagné jusqu’ici avait cédé sa place aux sonorités familières des sous-bois. Elle se pencha sur un petit ruisseau qui serpentait l’abord de la trouée pour s’y abreuver mais un bruit furtif proche d’elle mit tous ses sens aux aguets. De nouveau un bruissement de feuillages non loin la fit frémir, elle n’était pas seule. Sans hésiter elle saisit son arc et encocha rapidement une flèche la pointant face à elle.                                               

    Je suis là ! Juste derrière toi…

    Son cœur bondit dans sa poitrine, elle pivota sur elle-même et perçut une silhouette furtive se déplacer avec une rapidité prodigieuse derrière les troncs d’arbres.

    - Qui va là ? S’écria-t-elle d’une voix laissant percevoir sa peur.

    - Mais ce n’est que moi ! L’un des gardiens de ce bois…

    Elle se retourna de nouveau et eut un recul manquant de lancer sa flèche encochée. Un elfe se tenait devant elle les bras croisés et l’examinait curieusement la tête inclinée sur le côté. Il était légèrement plus petit qu’elle et portait une tunique avec des braies en fin tissu moiré enfouis dans des bottes en daim. A ses cheveux noirs et yeux bleu vif, elle comprit qu’il était de la tribu des elfes sylvain et baissa son arc. Il s’approcha et se mit à la contourner avec lenteur en humant ses cheveux et lui susurrant enjôleur.

    - N’est-il pas une elfe que je vois là ? Ou es-tu une fée envoûtant ces bois ?  Mais qui que tu sois,  si tu désires te

    promener en cette forêt d’un baiser sur mes lèvres tu devras t’acquitter. Sinon d’aucun danger je ne daignerais te protéger et le chemin du retour je ne pourrais te montrer !

    A son attitude poétique et plaisanté, Naèwen supposa qu’il devait être barde ou ménestrel et décida de lui clouer le bec pour son insolence…

    -Quel danger pourrais-je croiser dans cette contrée, n’est-il pas que vos frontières sont bien gardées où est-ce seulement une fine ruse, une dissuasion pour vos ennemis d’y pénétrer ? Peut-être est-ce seulement de toi dont je dois me méfier ! Et en ce qui concerne l’attente de mon baiser sache que pour celui-ci tu peux toujours rêver…

    Agréablement surpris de sa répartie il pouffa de rire puis s’inclina en posant sa main sur son cœur en lui disant aimablement…                                                                                                    

    - Jeune damoiselle vos paroles me mettent en émoi, votre beauté et votre grâce me suffiront pour cette fois !                                             

    - Cesse de l’importuner Liam !

    Naèwen resta transit en reconnaissant la voix de Maèl. Il s’avança vers elle avec indolence, manifestement amusé par la scène dont il venait d’être témoin, accompagné d’autres elfes qui surgirent silencieusement des alentours. Dissimulés sous leurs capes aux reflets moirées de vert et de brun elle n’avait pas démasqué leur présence.

    - Que faites-vous seule ici Naèwen ?

    - Je viens remercier votre mère pour son présent, vous m’avez laissé entendre que je devais me charger de cette tâche moi-même !

    - Elle sera heureuse de votre visite ! Venez si on veut y parvenir avant la tombée de la nuit.

    - Avant la tombée de la nuit ? Est-ce donc si loin ? Je n’ai prévenu personne de mon absence en Lehlὸria.

    Maèl  attrapa le cou de Fhlaidh Luan pour  lui  murmurer quelques mots imperceptibles. Impuissante, Naèwen la vit s’ébrouer et prendre la fuite. Que Fhlaidh Luan puissel’abandonner ainsi sur les quelques mots prononcés par cet elfe l’agaça.

    - Que lui avez-vous dis ?

    Il lui saisit le bras l’entraînant avec lui sur un petit sentier.

    - Vous n’êtes guère prudente de pénétrer seule sous la Forêt Noire, les nymphes vivant ici pourraient y voire une offense. Il y a une vieille légende qui dit que « quiconque s’aventure dans ces bois, ne pourra revenir sur ses pas » Vous devriez craindre ce charme !

    Elle se mit à sourire et lui confia amusée.

    - Je ne crains rien, si ce n’est la colère d’Aétus lorsqu’il apprendra mon escapade en ces lieux.

    Son inquiétude injustifiée le fit sourire à son tour, il adressa un signe à l’un de ses compagnons qui s’élança à travers le fourré puis la rassura.

    - Nous allons le prévenir, ce soir vous êtes notre invitée ! Nous vous raccompagnerons ensuite quand il vous plaira !                                                          

    N’ayant pas d’autre choix que de se plier à sa volonté, elle obtempéra. Aétus lui avait interdit de se rendre seule sous la forêt Noire, il devait certainement y avoir une raison et elle voulait la découvrir. Jusqu’à la tombée de la nuit ils marchèrent dans la magnificence énigmatique des sous-bois pour enfin atteindre les rives d’un lac recouvert d’impénétrables écharpes de brume. L’un des elfes souffla dans sa corne et dans le plus grand silence deux barges menée à l’aide de longues perches en bois, par des vieilles femmes aux aspects de sorcières, fendirent le brouillard et s’échouèrent sur le rivage pour les faire traverser. Aucune d’elle n’ouvrit la bouche, ne se formalisant pas de sa présence. Débarqués sur l’autre rive, Maèl l’engagea sur un long sentier serpentant une grande pommeraie bordée d’arbres  courbes dont les branches  se rejoignaient à leurs sommets pour s’entrelacer avec grâce et former un épais dôme feuillu brouissant sous la caresse du vent. À mesure qu’elle avançait sur cette allée mystique elle sentit l’atmosphère ambiante muer et ses perceptions changer. Malgré la pénombre, tout prenait un éclat plus vif, plus beau, plus lumineux. Une émotion étrange grandit au fond de son être suivit d’une plénitude apaisante, comme des retrouvailles après une longue absence. Ce lieu familier lui ouvrait les bras pour l’accueillir dans une parfaite communion. Elle jeta un petit coup d’œil à Maèl marchant en silence à ses côtés. Conscient de son trouble il lui chuchota...

    -Les anciens disent souvent « en serpentant la pommeraie d’Alwarahèl, si votre cœur se rythme à ses battements et que vous ressentez sa magie sacré, c’est que votre âme à rejoins la source à laquelle elle s’est abreuvé autrefois ».

    Elle aurait aimé savoir ce qu’il voulait dire par là mais ils parvinrent à l’orée du chemin qui se déploya sur le cœur de la forêt et la splendeur féerique s’y dévoilant la laissa sans voix.                                                

    - Voici Alwarahèl ! Fit Maèl en lui ouvrant la route d’un geste de la main.

    Cybèle avait raison lorsqu’elle lui parlait de cet endroit insolite, un autre monde s’ouvrait face à elle. Alwarahèl n’avait rien de semblable à la beauté de Lehlὸria. Les habitations se trouvaient dans et sur des arbres encore plus extraordinairement démesurés que ceux de la lisière par laquelle elle était arrivée. Les habitations étaient constituées de branches vrillées qui s’entremêlaient avec grâce en torsades formant de nombreuses terrasse, voûtes et corridors le tout relié de passerelles habillées de lierre. L’ensemble s’évanouissait pleinement dans cet univers sylvestre hormis les milliers de lucioles scintillantes telles des pétales d’argent qui illuminaient Alwarahèl d’un pâle halo blanchâtre lui octroyant un aspect surnaturel.

    - Alwarahèl a été édifiée par la magie de nos chants ayant le pouvoir d'hâter la croissance d’un arbre tout en offrant la forme que nous aspirons à ses ramures.

    Elle suivait l’elfe sylvain en se défaisant le cou à scruter les huttes perchées dans les arbres et s’attarda un instant au bord d’un petit bassin à l’eau nacrée, alimenté d’une source naturelle jaillissant d’un immense rocher. Elle resta hypnotisée par le chant de l’eau limpide à l’éclat de cristal vibrant sur la roche. Impatient, Maèl l’attrapa par le poignet pour l’entraîner jusqu’au pied d’un chêne d’un âge, aussi ancestral que sa taille était colossale. Ses ramures étaient si hautes qu’elles semblaient caresser la voûte céleste pour communier avec les Dieux et Naèwen jaugea qu’il fallait bien plus de cent hommes juste pour encercler son tronc.

    -Je vous présente Dara, l’arbre premier d’Alwarahèl.

    Il l’invita à le suivre sur une passerelle en bois et cordes s’enroulant autour de ce chêne et qu’ils arpentèrent à vive allure avant de pénétrer dans une grande excavation voûtée dont les cloisons comportaient de fabuleuses sculptures elfique et symboles sacrés. Cet antre boisée se situait dans le corps même de Dara et s’ouvrait sur des salles d’aspect semblable, toutes pourvues de grandes terrasses ouvertes sur le ciel d’Alwarahèl. De grands voiles blancs au tissage fin drapaient les ouvertures en flottant avec légèreté sous les courants d’air. Le mobilier était spartiate mais sculpté avec grand soin sous l’emprise d’une inspiration sans limite. Elle s’avança se délectant de la vue tout en s’enivrant des effluves de plantes magique se consumant çà et là dans des petites bolines en terre cuite posées au sol.

    - Qui m’amènes-tu là Maèl ?

    Une elfe  d’une  froide  beauté  à la chevelure noire ébène s'avança vers elle. Sa robe vaporeuse ne dissimulait rien de ses courbes et Lyra attarda son regard sur les deux serpents en argent s’enroulant sensuellement sur ses avant-bras ainsi que la pierre de lune pendue à la naissance de son échancrure.

    - Mère ! Je te présente Naèwen qui est notre invitée ce soir !

    Surprise par cette visite imprévue, Earawièl l’examina avec grand intérêt en la contournant lentement.

    - Bienvenue en Alwarahèl, fille d’Ariel et petite fille de Phèdre !                                                   

    Elle lui frôla la joue mais ôta instinctivement sa main d’un geste vif comme si elle l’avait brûlé. A son contact, une révélation fugace et déstabilisante l’avaient étreinte. Saémus disait vrai, le sang des antiques guerrières coulait dans ses veines, elle était bien l’enfant prodige annoncée, un don de la Déesse nanti de la force des hommes et du pouvoir spirituel des elfes. Contre toute attente, l’enfant d’Ariel était de retour pour intégrer la succession de sa ligné, la Déesse en avait décidé ainsi et Earawièl dut s’y résoudre malgré l’appréhension que lui engendrait à cet instant même cette créature, mi ombre et mi lumière.  

    En sentant le malaise qu’elle avait engendré à Earawièl, Naèwen lui dit aussi poliment que possible…

    - Ma Dame ! Je suis venue vous remercier pour Fhlaidh Luan !

    Tu peux m’appeler Earawièl, quant au présent il était digne d’une future reine, il est juste qu’il te revienne.

    Maèl jeta un regard à sa mère, ne s’attendant pas qu’elle puisse tenir un tel propos. Que cette elfe au sang mêlé, mi elfe mi femme, puisse succéder à Ariel n’était pas quelque chose de concevable pour lui. Naèwen pouffa de rire, visiblement en accord avec les pensées de Maèl.

    - Je ne suis pas une future reine et n’aspire nullement à le devenir, de plus les elfes ont déjà un roi qui est bon et juste pour son peuple, il me semble ! Non ?

    - Certes, mais Aétus est roi parce qu’il était l’époux de la reine Phèdre, mère d’Ariel. Il n’a aucun pouvoir décisif sans m’avoir consulté au préalable. Depuis la mort de Phèdre la fonction de régente me revient car depuis l’aube des temps ce sont des reines qui ont gouvernées les elfes, hormis chez les elfes gris, mais eux c’est une autre histoire. Tu es la dernière descendance de la lignée de la grande Morrigàn et tu te dois de l’honorer comme tu te dois également de transmettre la continuité de l’œuvre de tes ancêtres, c’est ainsi que cela te plaise où nous plaise !

    Lança sèchement Earawièl en jetant un œil rapide à son fils, consciente de sa désapprobation. Mais c’était ainsi, ces visions ne l’avait encore jamais trahit à ce jour alors autant ne pas tourner autour du pot.

    Naèwen la toisa avec insolence en fronçant les sourcils.

    - Qu’est-ce qui vous prend ? Vous savez que je suis une sang mêlé, il ne serait pas sage de laisser l’ombre des hommes régner sur votre peuple, ne pensez vous pas ? De plus, j’ai suffisamment d’occupations qui sont beaucoup plus distrayantes que le rôle insensé que vous songez à me faire endosser !

    La désinvolture caractérisée de cette jeune elfe laissa Maèl stupéfait. Sa mère était une prophétesse respectée et crainte par tous les elfes. Protectrice d’Alwarahèl, le noyau spirituel et sacré du règne elfique. Même lui ne se permettait pas de s’adresser ainsi à sa propre mère de peur de déclencher quelconque colère divine. Singulièrement stoïque, la régente se tut un instant en la dardant de son regard piquant puis reprit calmement.                                               

    -Ton raisonnement est des plus surprenants et tes propos sont empreints de vérité. Je sais que tu es encore naïve et peu initié à la vie, j’espérais cependant que tu serais suffisamment érudite pour ne pas ignorer que c’est la sagesse qui illustre un être et non son sang.

    Naèwen haussa les épaules en marmonnant.

    - Ben faut croire que l’initiation de Saémus ne porte pas ses fruits, il me dit sans cesse que je suis une vraie tête de pioche doté de la sagesse d’une mule. Il doit avoir raison !

    Cette fois Maèl se retint de rire, elle était si peu commune et son tempérament rebelle commençait à lui plaire. Sa mère en revanche ne riait pas.

    - Que tu sois une mule ou une tête de pioche importe peu. Tu ne peux contrecarrer le chemin qui t’es tracé. Souviens

    t’en !

    Sous le ton peu complaisant dont avait usé cette fois Earawièl, Naèwen se garda d’ergoter mais n’en pensa pas moins.

    - Je ne vais pas t’ennuyer d’avantage ! Fit Earawièl satisfaite de lui avoir lié la langue et se tourna vers son fils.

    - Je te la confie, fais lui donc découvrir Alwarahèl et que la courtoisie dont tu sais faire preuve puisse répondre à ses désirs. Nous nous retrouverons plus tard pour nous détendre autour d’une petite agape. Il est rare que nous ayons la visite d’un membre des hauts elfes sous notre forêt, cela se fête.

    Sans attendre, Maèl saisit sa main et l’entraîna dans une descente tournoyante pour lui faire une visite guidée de ce lieu enchanteur. Ils parcoururent les hautes passerelles suspendues dans les ramures en s’arrêtant parfois en haut d’un promontoire pour admirer la vue. De temps à autre, Maèl se pencha sur elle pour caresser son oreille de son souffle tiède de quelques commentaires et la présenta à chaque elfe croisé en chemin, tous visiblement surpris de le voir musarder en si plaisante compagnie. Dans la soirée soirée, la communauté se regroupa dans la clairière où un petit festin fut improvisé en l’honneur de leur invitée. L’atmosphère était calme mais Naèwen sentait une légère tension flotter. Peu d’elfe lui avait parlé, elle sentait leur réticence à son égard ne sachant si ils devaient l’aimer ou bien la craindre et cela la mettait quelque peu mal à l’aise. Recroquevillée seule au pied d’un arbre, elle se laissait transporter par les légendes narrées par Liam au notes de sa harpe et chercha plusieurs fois Maèl du regard, en vain. Il l’avait ignoré lors du repas et s’était ensuite évaporé. Fatiguée, elle se faufila discrètement pour rejoindre Dara. Arrivée au sommet du repère d’Earawièl, elle s’avança sur l’une des estrades pour s’émerveiller du ballet de lucioles scintillant de tout part sur une douce mélodie dont elle ne parvenait à trouver la provenance, cet endroit était un rêve duquel elle ne voulait plus s’extirper.  

    - Alwarahèl vous plait ?

    Elle virevolta et vit Maèl appuyé contre l’un des piliers, une fois de plus elle ne l’avait pas entendu, ni sentit venir.

    -C’est tellement magique ici ! J’aimerais ne plus rentrer !

    - Restez si tel est votre souhait ! L’âme d’Alwarahèl est la noble héritière des rites et mystères de nos ancêtres, leurs chants nous guident vers la plénitude et la sagesses, aux retrouvailles de nos racines et notre cœur. Un séjour ici ne pourrait vous être que bénéfique.

    Il s’approcha de son pas nonchalant en lui tendant le verre  qu’il tenait à la main.

    - Qu’est-ce que c’est ?                                                          

    - De l’absinthe agrémentée d’angélique. Goûtez !

    Méfiante elle trempa le bout des lèvres dans le breuvage aux reflets verdâtres, son goût fort mais plaisant lui en fit avaler une grande lampée interrompue par Maèl lui ôtant le godet.

    - N’en buvez pas trop, cela risque de vous tourner la tête ! La petite fée verte vivant dans l’esprit de l’absinthe est un

    aphrodisiaque de l’âme, elle la convoite dans le désir de la conquérir et ne point vous la restituer. Comme de toute chose, il ne faut en abuser !

    Il n’avait pas fini sa litanie qu’elle en ressentit la douceur de l’effet. Il rebut une gorgée et lui donna un petit coup de coude afin qu’elle lève le menton vers un amas d’étoiles qu’il pointait du doigt.

    - Voyez la constellation du grand Cerf,  le soleil y pénètre au moment de Samhain. Au nord de celle-ci se trouve la Couronne boréale au sein de laquelle demeure la déesse Arianrhod à la roue d’argent. Elle est la grande gardienne des cieux, veillant depuis son trône polaire sur les cycles et le temps ainsi que sur Alwarahèl ! L’histoire de notre monde se reflète dans les astres, tel un miroir, afin que l’on se souvienne de nos ancêtres qui ont guerroyés le cœur emplit de courage pour la liberté de nos peuples.

    Elle scruta attentivement le ciel, tentant de décrypter quelconque effigie d’un héros célèbre, sans succès, ce qui fit sourire Maèl.

    - Voulez-vous connaître le mythe de Dara ?

    - Quelle question !

    - A l’aube de ce monde, lorsque les Dieux vainquirent les Fomorii lors de la bataille de Moytura, la première tribu à s’établir sur ces terres fut celle des elfes.  Cliodhna, leur princesse, était d’une grande beauté et d’un cœur tendre. Elle possédait trois oiseaux magiques qui se nourrissaient exclusivement des pommeraies de Tir Tairngire, la Terre des promesses. Leurs chants avaient le singulier pouvoir de guérir les maux ou bien procurer le sommeil éternel. Un jour au bord d’un ruisseau à la frontière des Terres des hommes, Cliodhna croisa un mortel du nom de Ciabhán, leur amour fut scellé à l’instant même. Le père de la princesse Cliodhna s’opposa à cette union, tel le père de Ciabhán. Les deux amants prirent la fuite par la mer pour vivre leur passion loin du courroux paternel de chacun, ce qui déclencha la colère du roi des elfes. Il invoqua les éléments pour qu’une gigantesque vague s’abatte sur leur embarcation. Avant qu’ils ne soient engloutis par les flots,les oiseaux magiques de Cliodhna, la plongèrent dans un profond sommeil de par leur chant magique. Ciabhán périt noyé mais les vagues échouèrent Cliodhna sur le rivage. A son retour parmi les siens, elle planta un gland que son amour perdu lui avait offert le jour de leur rencontre. Il était la symbolique de la grandeur de leur amour inébranlable. Elle l’arrosait chaque jour de ses larmes en chantant sa tristesse, Dara se dressa alors avec vigueur haut dans le ciel, nourrit de sa beauté, sa tristesse et  la force de son  amour  impérissable. Cliodhna finit par se noyer dans la rivière pour rejoindre son amant dans la profondeur des eaux. Les anciens disent que son âme continue de hanter les ruisseaux de ces bois, et si, en s’abreuvant dans une source on perçoit le chant de ses trois oiseaux c’est que votre mort est proche. 

    - Quelle histoire merveilleuse !

    Maèl lui jeta un œil de biais et lui souffla avec une note d’ironie.

    - Je trouve cette histoire plutôt triste ! D’autant plus que ce mythe semble inlassablement se répéter.

    - Pourquoi ais je le sentiment que vous dites ça pour moi ?

    - J’espère seulement que vous n’irez jamais vous noyer par amour pour ce mortel comme la fait Cliodhna ou votre mère ! 

    Naèwen se demandait d’où lui venait une idée pareille et le tranquillisa avec une pointe d’humour.

    - Je nage trop aisément pour me noyer ! Et je ne suis pas ma mère !

    Il eut un petit sourire et saisit doucement sa main.

    - Venez avec moi !

    - Où allons-nous ?

    - Chut, j’aimerais vous montrer quelque chose !

    Ils traversèrent Alwarahèl et s’engagèrent dans l’obscurité profonde des sous-bois. Elle le suivait de près n’ayant nul envie de se perdre dans cette pénombre telle que même ses yeux d’elfes ne parvenaient pas à distinguer ce qui les entourait. Maèl ne lui disait mot, ce qui n’était pas pour la rassurer. Il s’arrêta enfin et dans son élan elle manqua le percuter. Il attrapa de nouveau sa main et l’entraina dans un petit passage formé d’un dôme de végétation dans lequel ils durent se courber pour le traverser sur quelques toises.

    - Fermez les yeux !

    Il la guida par les épaules et la fit s’allonger à plat ventre sur un lit d’herbes agréablement odorant.

    - Maintenant regardez !

    Il écarta les fougères devant elle dévoilant un petit lac à l’eau limpide miroitant de reflets turquoise sous la clarté de la pleine lune et à la surface duquel batifolaient, ce qui lui semblait être, une multitude de lucioles aux couleurs vives.

    - Ce sont les petites fées du lac Linaewen, que nous nommons également le lac aux oiseaux ! Nous avons de la chance, la lune est favorable pour les surprendre.

    Lui souffla discrètement l’elfe couché à ses côtés.

    Naèwen resta bouche bée face à ce spectacle merveilleux, ignorant que de telles êtres pouvaient exister en dehors des contes pour enfants que lui narraient les halflings. De petites tailles, dotées d’ailes aux scintillements poudrés, les fées formaient des rondes effrénées sous les notes fluettes de leur chant enchanteur que seuls les oreilles d’elfes parvenaient à distinguer. Plongée dans une rêverie féerique elle sentit soudain le regard soutenu de Maèl posé sur elle, ce qui l’émergea de sa béatitude...

     

     

     


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